« En tant que société, nous devons garantir à la future génération de personnes ayant une déficience intellectuelle que nous ne créerons plus jamais d’institutions. »

Janet Forbes, directrice exécutive, Inclusion Winnipeg

Chaque année, les Nations Unies organisent la Conférence des États parties (CEP), réunissant  tous les pays signataires de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées (CDPH) et qui ont accepté de la respecter.   Cette conférence donne aux pays la chance d’échanger des informations et de discuter des problèmes rencontrés lors de l’application du traité.  

Cette année, de concert avec Personnes d’Abord du Canada et Inclusion International,  Inclusion Canada a animé une session sur l’expérience Canadienne en matière de désinstitutionnalisation – aider les personnes ayant une déficience intellectuelle à sortir des institutions et à occuper leur juste place dans nos collectivités. 

Donc, qu’est-ce qu’une institution?  En voici notre définion :

Une institution est un établissement où les personnes étiquetées de déficientes intellectuelles, sont isolées, ségréguées et/ou rassemblées.

Dans ces centres, les personnes ayant une déficience intellectuelle ne sont pas autorisées à contrôler leur propre vie

Une institution ne se définit pas simplement par sa taille.

Le Canada s’est attaqué à la désinstitutionnalisation il y a plus de cinquante(50)  ans.  Pendant ce temps, nous avons beaucoup appris sur ce qui fonctionnait et ce qui ne fonctionnait pas. 

Pendant notre session de la CEP, des survivants des institutions et des allies ayant participé à la fermeture de ces établissements, ont dévoilé ce qu’ils ont appris, notamment :

  • L’importance d’impliquer les champions de l’intégration communautaire  – des gens de vision, passion et leadership.  Selon Gordon Fletcher, coprésident de la Deinstitutionalization Task Force, ces champions « ont osé rêver à la citoyenneté à part égale des personnes handicapées afin qu’elles deviennent des membres actifs et de la société. »
  • Prioriser d’abord les besoins et les préférences des personnes en situation de handicap. Ce qui implique d’aider les personnes à choisir où elles veulent vivre et avec qui et de déterminer leur parcours de vie.  C’est un processus continu et non pas un exercice ponctuel de planification.  
  • Respecter les expériences et les rôles des familles – Savez-vous que pendant des années, les professionnels ont déclaré aux familles que le placement institutionnel était la meilleure décision? Ne nous étonnons pas alors de la colère, de la méfiance et du sentiment de trahison qu’éprouvent les familles à l’égard des systèmes de prestation de services. Nombre d’entre elles s’inquiètent d’un manque de soutien adéquat pour leur être cher ou d’une écrasante responsabilité familiale.  Les familles doivent participer au processus de désinstitutionnalisation afin d’apaiser leurs craintes. 

« La sombre incertitude entourant la fermeture de Valley View s’est soldée par un avenir plein de rêves et de Possibilités. »

Gloria Mahussier, présidente sortante d’Inclusion Saskatchewan
  • Établir des plans centrés sur la personne qui créeront de véritables foyers pour les personnes en situation de handicap.. Puisque chaque personne est différente,  son plan devrait l’être aussi.  Le soutien doit être axé sur les besoins particuliers des individus, respecter leurs choix et leur permettre de participer pleinement à leur communauté. 
  • L’importance de mesures de soutien de qualité.   À la fermeture d’une institution, les fonds devraient être réaffectés au soutien communautaire.  Les gens ont besoin d’un soutien approprié, donné par les personnes appropriées, d’une manière appropriée et au moment approprié.  Les personnes handicapées et leurs familles sont les mieux placées pour savoir si les soutiens respectent leurs souhaits, leurs préférences et leurs besoins.  
  • Recruter et former du personnel qualifié.  Passer d’une institution à une vie en communauté implique d’avoir un personnel de soutien compétent et qualifié.  La fermeture d’une institution préoccupe souvent les syndicats, le personnel et les collectivités quant aux pertes d’emplois et aux répercussions économiques. Il serait donc judicieux de s’adjoindre le personnel et de le former  pour assurer une meilleure et différente aide au sein de la collectivité,

« Le personnel a aidé les personnes à quitter le lieu où elles avaient vécu pendant de nombreuses années et les ont soutenues pour qu’elles se lancent dans cette nouvelle aventure avec de nouveaux soutiens. »

Gloria Mahussier, Past President of Inclusion Saskatchewan, décrivant l’aide apportée par le personnel lors de la transition de l’institution à la vie dans la communauté.
  • Établir des partenariats communautaires-  Les particuliers, les familles, les groupes communautaires et les gouvernements doivent collaborer pour s’assurer que les droits des personnes handicapées soient respectés.  Ces groupes véhiculent un message commun :  « fermer les institutions est dans l’intérêt de tous. »
  • Un plan clair et des échéances précises. Les gouvernements doivent clairement annoncer que les institutions ne seraient plus soutenues ni financées par les deniers publics.  Ils devront renforcer cet engagement par des ressources, du soutien planifié et de précises échéances. 
  • Communiquer clairement et efficacement – Certaines personnes désapprouvent la fermeture des institutions.  D’autres se posent énormément de questions.Précisez clairement vos données sur le plan, cela peut vous aider.
  • Coordonner chaque transition dans la communauté. Certaines personnes ont vécu toute leur vie dans une institutionUne soigneuse planification s’impose pour aider chacune d’entre elles à s’adapter à son nouveau foyer.

David Weremy  et Leta Jarvis sont des survivants d’institutions.  Ils ont vécu différemment leur départ de ce milieu institutionnel. 

Après avoir été forcé de vivre pendant dix-huit (18) ans au Centre manitobain de développement (CMD), David s’est retrouvé dans un foyer collectif.  Il a expliqué que sa vie dans ce foyer s’apparentait à celle vécue au CMD – il ne pouvait choisir ses déplacements, il devait rentrer tôt, manger ce qu’on lui disait de manger et aller se coucher quand on le lui ordonnait. Il était tellement encadré qu’il n’avait plus aucune liberté ni la possibilité de faire des choix dans sa vie

Leta avait sept (7) ans quand elle a été placée dans sa première institution. Elle en a connu sept. ….ce furent des années de mauvais traitements et de négligence.  Quand on l’a avertie qu’elle devait quitter le dernier établissement, elle a reçu aucune aide.

« On m’a dit que c’était mon problème – que je fasse de mon mieux.  Je suis donc allée dans la communauté, mais du mauvais côté.  J’ai commence à boire et à me droguer. Je n’avais aucune aide à l’époque.  Nul ne se souciait de moi…. »

Leta Jarvis, survivante d’institution et membre de la Deinstitutionalization Task Force

Les récits de David and Leta montrent les dérapages de l’institutionnalisation.  En sur-encadrant David, ils ont recréé l’expérience institutionnelle…dans un plus petit milieu.  Par manque de soutien, Leta a été abandonnée sans l’aide requise pour réussir. 

Pourquoi est-ce important? Why does this matter?

  • En 2021, il existe encore au Canada de grandes institutions accueillant des personnes ayant des déficiences intellectuelles.  Certaines provinces ont annoncé leur intention de les fermer.
  • Malgré la fermeture de ces grandes institutions, les personnes ayant une déficience intellectuelle ont de la difficulté à faire reconnaître et respecter leurs choix.  Ce caractère restrictif des institutions est recréé dans de plus petits milieux à travers le pays.  

  • De nombreuses personnes se font encore supprimer leurs garanties juridiques.  D’autres se font refuser les soutiens requis pour prendre des décisions et participer pleinement, de manière inclusive,  à leur communauté.  Le choix véritable n’est pas encore une réalité pour les personnes ayant une déficience intellectuelle.
  • La pandémie de la COVID-19 nous a rappelé les dangers de la vie en groupe. Éclosions, décès, histoires de négligence et de violence, tout a été rapporté et a attiré l’attention de la population.  Profitons de cette  sensibilisation accrue pour demander des changements.     
  • La Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées (CDPH)  reconnaît le droit des personnes handicapées

à une égalité de choix, à une vie autonome et à être inclues dans la communauté,  Tout en ayant signé ce traité international, le Canada ne respecte pas entièrement ses engagements.  Nous avons du travail à faire.   

« L’absence d’accès aux soins dans la communauté est une violation des droits fondamentaux des personnes en situation de handicap, qui demeurent alors des citoyens de deuxième ordre, marginalisés.  Hélas,  le glas a sonné pour de nombreuses personnes.  Pour celles et ceux qui ont passé la majorité de leur vie dans ces établissements et qui sont morts avant que ne soit admis le droit de vivre dans la communauté.  Par la reconnaissance et la réconciliation, notre société révèlera la vérité  sur les traitements subis par des  milliers de personnes vulnérables. »

Janet Forbes, directrice exécutive, Inclusion Winnipeg

Comment puis-je aider?  

  • Lises le rapport de la Deinstitutionalization Task Force,  The Right Way: A guide to closing institutions and reclaiming a life in the community for people with intellectual disabilities. Les travaux de ce Groupe de travaux ont entraîné la récente fermeture, soit en 2019,  du Valley View Centre en Saskatchewan.

  • Découvrez  l’histoire de l’institutionnalisation au Canada. Le site Web d’ Institution Watch  est excellent à cet égard.  Connaître l’histoire est l’un des moyens de ne pas la répéter.  Enregistrez-vous pour recevoir leur bulletin.  

  • Discutez avec un membre de la famille ou avec des amis de la définition d’une institution.  Pensez aux conditions d’habitation des personnes ayant une déficience intellectuelle dans votre communauté.  Est-ce que certaines correspondent à la définition?  Est-ce que cela vous surprend?

  • Visionnez le documentaire The Freedom Tour pour comprendre  les expériences des auto-intervenants et des survivants des institutions au Canada.   
  • Appelez votre représentant élu ou envoyez-lui un courriel.  Dites-lui que vous voulez que vos impôts soient utilisés pour aider les personnes handicapées à mener une vie inclusive dans la communauté et non pas pour payer des institutions.  Transmettez-lui ce blogue.
  • Si vous désirez visionner un enregistrement du webinaire qui a inspiré ce blogue, consultez