« Ceux qui ne peuvent se rappeler le passé sont condamnés à le répéter. » – George Santayana
Le Canada connaît une crise du logement. Le prix des logements monte en flèche. Plus d’un million de locataires vivent dans des logements inabordables. Au Canada, on estime qu’au moins 235 000 personnes se retrouvent en situation d’itinérance au cours d’une année. En réponse à cette situation, plusieurs provinces canadiennes développent des agglomérations de minimaisons. Ces projets bénéficient d’un soutien massif du public. Certains ont même été mis en nomination pour des prix. Quel est donc le problème?
Les minimaisons n’ont rien de fondamentalement mauvais. De petites habitations durables présentent de nombreux avantages. Là où ces agglomérations de minimaisons ratent la cible, c’est dans la manière de regrouper les gens. J’ai travaillé pendant dix ans dans le domaine du handicap et je connais très bien ces bonnes intentions qui aboutissent à des résultats néfastes.
Visiblement, les personnes et les organisations qui soutiennent les agglomérations de minimaisons sont bien intentionnées. Lorsqu’un problème se présente (la crise du logement), elles trouvent une solution pour y remédier. Nous avons besoin de plus de gens comme ça dans notre société! Nous devons également savoir d’où nous venons, en particulier lorsqu’il s’agit de soutenir les personnes marginalisées.
Au Canada, nous avons depuis longtemps l’habitude d’aborder les questions sociales sous l’angle de la charité. Les gouvernements ou les organisations fournissent une aide ou un service et s’attendent à ce que les bénéficiaires fassent preuve de reconnaissance, que ce qui a été reçu réponde ou non à leurs désirs et à leurs besoins. Généralement, nous leur fournissons une aide ou un service « dans leur intérêt supérieur », plutôt que de faire confiance aux gens pour qu’ils fassent leurs propres choix.
Les personnes en situation de handicap, celles qui ont survécu à la psychiatrie et celles qui vivent dans la pauvreté sont victimes de ségrégation et de regroupement depuis des décennies. Elles sont confinées dans des établissements ou regroupées dans des quartiers défavorisés subventionnés. En fait, la ségrégation sert de stratégie pour contenir les personnes dévalorisées depuis si longtemps qu’il existe un mot pour cela : un ghetto. Ces formes de logement apportent une « solution » à un problème social tout en respectant la devise de société du « pas dans ma cour ». Les membres de la collectivité se réjouissent de contribuer à la solution, tant qu’il n’y a pas de répercussions dans leur vie quotidienne ou d’impact sur la valeur de leur propriété.
Ce phénomène est reproduit dans les agglomérations de minimaisons qui se propagent à travers le pays. Ces minimaisons ne sont pas dispersées dans la collectivité. Au contraire, elles sont rassemblées sur des terrains situés dans des zones industrielles ou commerciales. Les personnes qui y vivent ne représentent pas la diversité de nos collectivités. Elles ne choisissent pas leur lieu de vie. Il y a une grande différence entre choisir de passer du temps avec d’autres personnes qui ont des expériences de vie semblables et avoir l’obligation de vivre dans un endroit parce qu’on fait partie d’une population marginalisée. Certaines de ces agglomérations sont même fermées, comme certains établissements. Les municipalités sont promptes à soutenir ces lotissements, les considérant comme une solution « novatrice » aux villages de tentes et aux centres d’accueil. Elles investissent dans ces options parce que « c’est mieux que rien ». Nous avons suivi le mouvement des agglomérations de minimaisons sans y avoir bien réfléchi.
Le logement est un droit de la personne. Une approche axée sur le logement est logique, tant éthiquement que financièrement. Les logements ne sont toutefois pas tous comparables. Si notre engagement à répondre aux besoins de notre voisinage est véritable, il faut s’assurer que le logement disponible soit inclusif, sécuritaire, accessible et abordable. Il doit permettre de choisir où et avec qui vivre.
Bien des gens bienveillants s’investissent dans ce travail. Il ne s’agit pas d’une critique à leur égard, mais plutôt d’une invitation à réfléchir à notre passé et à ajuster notre chemin en conséquence. Voici quelques questions pour engager la conversation :
- Si l’on s’engage à bâtir des minimaisons, pourquoi doivent-elles être rassemblées? On nous dit que c’est une question de zonage. Si le gouvernement tient vraiment à s’attaquer à la crise du logement, ces problèmes de zonage pourraient être résolus grâce à des mesures comme le zonage des allées. Nest Niagara Inc. en est un exemple. Cette association sans but lucratif travaille avec des propriétaires pour accueillir des logements secondaires mobiles sur leur propriété, dispersés dans toute la collectivité.
- Si le concept de coopérative d’habitation est intéressant, qu’est-ce qui empêche ces agglomérations de minimaisons d’être inclusives? Pourraient-elles refléter la diversité de nos collectivités (des personnes aux études, à la retraite, sur le marché professionnel, nouvellement arrivées, qui élèvent leurs enfants en solo ou qui sont en transition après avoir été en situation d’itinérance)? Les quartiers inclusifs permettent d’établir des relations et des réseaux de soutien.
- Si nous disposons des ressources pour financer des minimaisons, pourquoi ne pas investir dans des solutions de logements inclusifs? Les programmes gouvernementaux de supplément au loyer transférable ou d’aide d’accession à la propriété peuvent aider les gens à trouver un logement à proximité de leurs services médicaux, de leur lieu de travail ou de leur famille.
- Si les minimaisons se veulent une première étape vers un logement plus permanent, pourquoi doivent-elles être rassemblées? Puisque l’inclusion sociale contribue à améliorer la sécurité et la santé, pourquoi maintenons-nous les gens à l’écart et isolés de la collectivité plus large?
- Si nous prévoyons que les personnes auront besoin d’un soutien complet intensif pour passer d’une situation d’itinérance à un logement en toute sécurité, peut-on fournir ces services sans que tout le monde vive au même endroit? Pourrions-nous plutôt financer des services de transport ou proposer des services mobiles?
Comme nous connaissons la triste histoire de la ségrégation dans le domaine du logement, pourquoi vouloir la répéter?